Alcool

La matinée est donc passée ainsi, sans que j'y fasse réellement attention, focalisée que j'étais sur l'avenir proche. J'avais dans la tête ce rendez-vous que je voyais grandiose, bourré de romantisme et de mains qui s'effleurent. J'y croyais comme une folle, la rue me paraissant délirante de couleurs et c'était beau à pleurer.
Je suis entrée dans le café et il n'était pas encore là. Alors je me suis assise à une petite table pour deux personnes, du côté de la banquette parce que je préfère ça aux chaises qui grincent sitôt qu'on remue une fesse, et puis j'ai attendu. Cinq minutes. Dix. Quinze. Jusqu'à ce qu'il pointe son nez une bonne demie heure en retard, la bouche en coeur et sans excuse valable. Avec tout ce temps qu'il m'avait volé, je pensais qu'il aurait au moins eu le temps de broder un mensonge convenable auquel j'aurais cru pour me rassurer, mais même pas. Enfin moi je m'en fichais pas mal de son retard du moment qu'il était là. L'avoir rien que pour moi ça relevait du miracle, c'était l'événement de l'année. Alors j'ai trop rien dit pour l'attente, et puis on a commencé à parler.
L'histoire c'est que j'avais déjà sifflé quelques bières avant qu'il n'arrive, parce que c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour me détendre. Et je sentais peu à peu l'alcool se mêler à mon sang, j'en avais la tête comme dans un brouillard étrange. D'ordinaire je tiens plutôt bien à l'alcool ; je dis ça sans modestie ni rien parce qu'il n'y a pas de quoi se vanter mais c'est vrai. Sauf que là c'était étrange, ça s'ajoutait à l'excitation de le voir et puis à l'angoisse du lapin qui se profilait à l'horizon et puis à quelques nuits sans sommeil. Tout ça réuni ça m'étourdissait un peu si bien que j'étais quasi déconnectée.
Alors ce con, vous pensez qu'il en a profité.